Pas de pénurie alimentaire, mais...

Publié le par georges49

Pas de pénurie alimentaire, mais...
L'agriculture française, spécialisée dans le bovin et les céréales, a délaissé les filières de primeurs au profit de l'Espagne. La crise sanitaire va-t-elle bouleverser cet équilibre ?

Pascale Hébel : En énergie (calories) la France est autosuffisante à 129%, mais en effet cela ne suffit pas pour alimenter de façon saine la population. La consommation de fruits et légumes recommandés pour la santé est à plus de 40% importée. Cela s’explique par la consommation de produits (organes, bananes) qui ne peuvent être produits dans des zones géographiques tempérées et par les coûts de main d’œuvre pour les récoltes. On peut supposer que la crise sanitaire nous incitera à accepter plus facilement les cultures hors sols (sous serre) qui permettent de produire des tomates ou des fraises dans toutes les régions de France ou à acheter directement les produits aux agriculteurs. Les consommateurs étaient déjà de plus en plus nombreux, depuis la dernière crise économique de 2008 à vouloir consommer local, avec la prise de conscience des limites logistiques des échanges commerciaux mondiaux, ils seront de plus en plus nombreux à vouloir des produits français. Cependant, la baisse du pouvoir d’achat attendue durant la crise ne permettra pas à tous d’accéder à cet idéal local. 

Laurent Grandin : Dans le secteur fruits et légumes, la part des produits importés ou introduits représente déjà près de 50% des fruits et légumes consommés (incluant les produits exotiques et les agrumes dont la consommation est globalement en croissance et qui ne peuvent être produits en France). Globalement, cette crise sanitaire créera une rupture à différents niveaux (santé, économie, gestion de crise, …), et les modèles seront nécessairement revus, en incluant une réflexion sur le système alimentaire et plus particulièrement sur l’agriculture française.

Bruno Parmentier : Actuellement, la moitié des fruits et légumes que nous consommons est importée. Et en plus ce sont des travailleurs magrébins, portugais, roumains, polonais, sénégalais, etc., comme on l’a vu ci-dessus, qui récoltent ce qui nous reste à produire. L’internationalisation de cette activité nous a fait perdre notre autosuffisance. Même si l’essentiel de ces échanges se déroulent à l’intérieur de l’Europe, en l’occurrence avec l’Espagne en premier lieu (sauf pour les produits de contre saison de l’hémisphère sud), la crise actuelle a fait resurgir des frontières qu’on croyait abolies, même dans l’espace Schengen. Elle nous fera certainement réfléchir. Est-ce que ça vaut vraiment la peine d’avoir des fraises un mois plus tôt, et 30 % moins cher, en maltraitant année après année nos propres producteurs ? 

Mais, même si de nombreux dirigeants jurent la main sur le cœur que « rien ne sera plus comme avant », il me paraît encore bien présomptueux et prématuré de faire des prévisions détaillées sur l’après coronavirus. La grippe dite de Hong-Kong a fait 1 million de morts en 68/70 (dont 40 000 en France), et on ne peut pas dire que tout a changé après ; d’ailleurs on ne s’en souvient pratiquement plus ! Restons prudents, à ce jour, l’hypothèse que toute redevienne comme avant n’est pas à exclure… y compris en matière de politique agricole. L’idée que l’on doive se nourrir au plus bas prix possible, quelles que soient les conséquences, n’a pas encore entièrement disparue !

Source ;  Atlantico

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article